vendredi 26 octobre 2012

Une nuit dans les Bornes



Pour inaugurer ce blog, laissez-moi vous raconter ces deux journées passées sur les lapiaz du massif des Bornes, afin de profiter des lumières de l'automne pour faire quelques clichés de pins à crochets.
Parti en milieu d'après midi de la maison, une rapide montée sur le plateau du Parmelan me permet de profiter de la belle lumière de fin de journée, sur cette étonnante dalle de calcaire située en contrebas du sommet.

Vue sur le Mont Blanc depuis le plateau du Parmelan
Vue sur les Aravis
Deux manières différentes de faire face aux éléments

La vue sur le massif du Mont Blanc est surprenante et l’impression de désolation qui se dégage de ce site est assez unique en son genre. Je ne suis pas sûr que mes photos seront bonnes mais je suis content d'être là.


Je descends rapidement, vers 18h30, avec pour projet d’aller bivouaquer au mont Téret, à seulement quelques encablures de là, mais dont l’accès se fait plus rapidement par le vallon d’Ablon, soit exactement de l'autre côté de la montagne.
Après un dîner dans la vallée et dans le brouillard, j’arrive sur le plateau des Glières sous une lune presque pleine et un magnifique ciel  étoilé. Pas un bruit, le silence est total. J'ai l'impression d'être seul au monde.
Un bon coup de vélo  et une demi-heure de marche plus tard (un peu dur à 22h avec un gros sac), j’arrive sur le lapiaz du mont Téret. J’ai renoncé à dormir dans l’herbe du vallon d’Ablon. Avec ce ciel dégagé, tout était trempé par la rosée.
Je ne regrette pas mon choix, l’ambiance ici est superbe. Les pins à crochets se dressent comme des fantômes et la lune éclaire tout le plateau des Glières. Pas de vent, silence total. Quelle paix.
J’installe mon duvet sur un lit d’aiguilles confortable, juste sous un pin. Fatigué, je m’endors rapidement après avoir savouré le bonheur de dormir en cet endroit que j’aime tant. J’avais oublié à quel point dormir dehors est source de joie, à quel point on oublie tout quand on dort sous les étoiles. Peut-être parce que le spectacle immense de la voûte céleste nous aide à remettre  nos petites vies en perspective, à nous replacer face à notre insignifiance.
Le lever de soleil est superbe, comme toujours. Il faut se presser pour profiter de cette belle lumière qui met bien en valeur les arbres.

Lever de soleil sur le mont Téret
Le brouillard enveloppe les basses vallées
Ombres chinoises
L'emplacement de bivouac, sur un confortable lit d'aiguilles de pin
Le fantôme d'un vieux pin à crochets
Bois mort, résine et couleurs d'automne
Dessins finement ciselés du lapiaz

 Vers midi, le voile nuageux commence à rendre les choses plus difficiles. Il annonce que le temps va changer dans les prochains jours. 
La matinée est passée a une vitesse folle, la batterie de mon appareil est vide, la lumière devient trop forte, il est temps de plier mes affaires et de redescendre.
Pendant ces cinq heures passée à  prendre de photos, j’ai laissé  toute ma nourriture à mon emplacement de bivouac sans aucune protection. Aux Etats-Unis ou au Canada, tout aurait été dilapidé par les quelques animaux inévitablement présents dans les parages. Ici, rien. J’ai pourtant observé ce jour-là de nombreux oiseaux, des chamois, un renard et quelques autres petits mammifères.
Mais ils n’ont touché à rien. Quelle conclusion en tirer ? Que les animaux sauvages européens sont mieux élevés en Europe qu'en Amérique, et donc qu’ils ne convoitent pas le bien d’autrui ? Qu’ils ont compris depuis si longtemps que nous cohabitons ensemble qu’il vaut mieux rester éloigné de tout ce qui concerne de près ou de loin  l'humanité ? Ou bien simplement que leur densité est moins importante dans les Alpes que sur le nouveau monde? Quoiqu’il en soit la pression de la nature sauvage est beaucoup moins présente par ici que dans le plus touristique des parcs nationaux américains. Et ceci même si l'endroit est resté plutôt préservé, car sans grand intérêt pour nos ancêtres: pas de pâturages, bois inexploitables et peu productifs, position géographique peu stratégique, accès malcommode.

Finalement, dans l’histoire récente les seuls hommes qui ont trouvé un intérêt vital à ces quelques arpents de calcaire et de forêts ont été les groupes de résistants du maquis des Glières.
Une présence qui reste incontournable pour toute personne qui séjourne en ces lieux.

Vue sur le plateau des Glières
Le retour promet quelques belles couleurs...